Kowloon - Nathan Road
crédit photo: Getty images
Pour Véro Cuisine Métisse qui voulait que je lui raconte un curry:
Au dehors, la grande ville bruissait en continu, brillant de tous ses feux dans les eaux de la baie. Cette ville là ne dormait jamais.
Chungking Mansions ne dormait jamais non plus. On pouvait en pleine nuit se perdre dans ce dédale d’immeubles accolés les uns aux autres, il y avait toujours quelque chose à voir, à acheter, à manger, quelque part. Et des gens, vaquant à leurs occupations, croisés au détour des immenses couloirs, des halls glauques sous les néons blafards.
Partout une odeur d’humidité, de pourriture, vaguement masquée par les fumées d’encens s’échappant des appartements.
Je ne saurais jamais retrouver le chemin. Il fallait traverser un hall, prendre un escalator, puis un ascenseur. Redescendre dans un autre hall, longer des couloirs. Enfin il me semble…
A l’intérieur de l’appartement, c’était un autre monde qui s’ouvrait, un petit morceau d’Inde dans la grande ville chinoise. Au plafond, le ventilateur brassait l’air humide et lourd d’encens. Accrochée au mur, la télé diffusait des vidéos de ces films qu’on n’appelait pas encore Bollywood. Des tables en formica et des chaises pliantes étaient installées dans le salon. On sentait qu’au départ des clients, une fois les tables repliées, l’appartement retrouvait ses fonctions normales, qu’une famille vivait là sans doute.
Les hommes portaient des turbans, je ne sais pas d’où ils venaient.
Il n’y avait que deux choix de menus, végétarien, ou non. Je ne me souviens plus de ce que j’ai mangé, mais plutôt de tous ces petits plats ronds en aluminium, poses sur la table, à la contenance indéfinissable. Je ne me souviens pas du goût, mais seulement que cette surdose d’épices et de piments m’avait rendue malade. C'était la première fois...
Et maintenant qui veut nous raconter un curry? Elvira?
Pour illustrer ce texte, j’ai choisi dans le livre de Camellia Panjabi, 50 great curries of India, un curry du sud de l’Inde, de la région de Madras, riche, épicé et généreux. Certainement très loin, du moins par la quantité de viande utilisée, de ce que j’avais mangé alors.
Si vous avez un livre sur la cuisine indienne à acheter, je ne saurais que vous conseiller celui-ci. Traduit en français, très complet, extrêmement informatif sur les ingrédients et les coutumes alimentaires des différentes régions de l’Inde, ce livre se lit comme un roman.
Curry d’agneau style Madras (région du Tamil Nadu)
Ingrédients
- 120g de noix de coco fraiche
- 8-12 piments rouges séchés entiers
- 1 morceau de gingembre frais (2,5x1cm)
- 6 grosses gousses d’ail
- 3 cc de paprika
- 3 cc de coriandre en poudre
- 4 grains de poivre
- 2 feuilles de cannelle ou feuilles de laurier
- 10 cm de baton de cannelle
- 6 clous de girofle
- 1 cc de graines de cumin
- 1 cc de graines de pavot
- ½ cc de graines de fenouil
- 3 cs d’huile
- 2 gros oignons, coupés en dés
- 1 kg de viande d’agneau (collier, épaule, morceaux avec os)
- 3 tomates coupées en dés
- Sel
Couper la moitié de la noix de coco en petits morceaux pour la moudre avec les épices et réserver.
Couper le reste en morceaux et mixer dans un blender avec 400 ml d’eau chaude. Mixer le plus finement possible, filtrer le lait de coco et réserver.
Broyer ensemble la noix de coco réservée, les piments, le gingembre, l’ail et tous les épices jusqu’à ce que le mélange forme une pâte homogène, en ajoutant un peu d’eau. (en principe, ça se fait au mortier et au pilon, c’est très long. On peut utiliser un mixeur ayant les pales fixées en bas du bol, un moulin à café solide, un blender. Pour la technique, allez voir chez Minouchka).
Faire chauffer l’huile dans une cocotte et faire revenir les oignons jusqu’à ce qu’ils soient dorés. Ajouter la pâte d’épices et la faire revenir à feu doux pendant environ 15 minutes, en ajoutant 3 cs d’eau au cours de la cuisson.
Ajouter la viande et faire revenir pendant 5 minutes a feu moyen. Ajouter les tomates et continuer la cuisson pendant 5 minutes. Saler au goût.
Ajouter 800 ml d’eau chaude et cuire à couvert jusqu’à ce que la viande soit bien tendre (environ 1 heure). Découvrir et faire réduire la sauce. Ajouter ensuite le lait de coco et laisser épaissir.
Servir avec du riz. Ce plat, préparé la veille et réchauffé, est encore meilleur.
Il n’est pas aussi fort que la quantité de piments pourrait le laisser penser, la complexité du mélange d’épices transparait sous la chaleur des piments. Mais il demande quand même un palais habitué à ce genre de cuisine.