mercredi 7 novembre 2007

Raconte moi un curry

Kowloon - Nathan Road

crédit photo: Getty images

Pour Véro Cuisine Métisse qui voulait que je lui raconte un curry:

Au dehors, la grande ville bruissait en continu, brillant de tous ses feux dans les eaux de la baie. Cette ville là ne dormait jamais.

Chungking Mansions ne dormait jamais non plus. On pouvait en pleine nuit se perdre dans ce dédale d’immeubles accolés les uns aux autres, il y avait toujours quelque chose à voir, à acheter, à manger, quelque part. Et des gens, vaquant à leurs occupations, croisés au détour des immenses couloirs, des halls glauques sous les néons blafards.

Partout une odeur d’humidité, de pourriture, vaguement masquée par les fumées d’encens s’échappant des appartements.

Je ne saurais jamais retrouver le chemin. Il fallait traverser un hall, prendre un escalator, puis un ascenseur. Redescendre dans un autre hall, longer des couloirs. Enfin il me semble…

A l’intérieur de l’appartement, c’était un autre monde qui s’ouvrait, un petit morceau d’Inde dans la grande ville chinoise. Au plafond, le ventilateur brassait l’air humide et lourd d’encens. Accrochée au mur, la télé diffusait des vidéos de ces films qu’on n’appelait pas encore Bollywood. Des tables en formica et des chaises pliantes étaient installées dans le salon. On sentait qu’au départ des clients, une fois les tables repliées, l’appartement retrouvait ses fonctions normales, qu’une famille vivait là sans doute.

Les hommes portaient des turbans, je ne sais pas d’où ils venaient.

Il n’y avait que deux choix de menus, végétarien, ou non. Je ne me souviens plus de ce que j’ai mangé, mais plutôt de tous ces petits plats ronds en aluminium, poses sur la table, à la contenance indéfinissable. Je ne me souviens pas du goût, mais seulement que cette surdose d’épices et de piments m’avait rendue malade. C'était la première fois...

Et maintenant qui veut nous raconter un curry? Elvira?


Pour illustrer ce texte, j’ai choisi dans le livre de Camellia Panjabi, 50 great curries of India, un curry du sud de l’Inde, de la région de Madras, riche, épicé et généreux. Certainement très loin, du moins par la quantité de viande utilisée, de ce que j’avais mangé alors.

Si vous avez un livre sur la cuisine indienne à acheter, je ne saurais que vous conseiller celui-ci. Traduit en français, très complet, extrêmement informatif sur les ingrédients et les coutumes alimentaires des différentes régions de l’Inde, ce livre se lit comme un roman.


Curry d’agneau style Madras (région du Tamil Nadu)

Ingrédients

  • 120g de noix de coco fraiche
  • 8-12 piments rouges séchés entiers
  • 1 morceau de gingembre frais (2,5x1cm)
  • 6 grosses gousses d’ail
  • 3 cc de paprika
  • 3 cc de coriandre en poudre
  • 4 grains de poivre
  • 2 feuilles de cannelle ou feuilles de laurier
  • 10 cm de baton de cannelle
  • 6 clous de girofle
  • 1 cc de graines de cumin
  • 1 cc de graines de pavot
  • ½ cc de graines de fenouil
  • 3 cs d’huile
  • 2 gros oignons, coupés en dés
  • 1 kg de viande d’agneau (collier, épaule, morceaux avec os)
  • 3 tomates coupées en dés
  • Sel

Couper la moitié de la noix de coco en petits morceaux pour la moudre avec les épices et réserver.

Couper le reste en morceaux et mixer dans un blender avec 400 ml d’eau chaude. Mixer le plus finement possible, filtrer le lait de coco et réserver.

Broyer ensemble la noix de coco réservée, les piments, le gingembre, l’ail et tous les épices jusqu’à ce que le mélange forme une pâte homogène, en ajoutant un peu d’eau. (en principe, ça se fait au mortier et au pilon, c’est très long. On peut utiliser un mixeur ayant les pales fixées en bas du bol, un moulin à café solide, un blender. Pour la technique, allez voir chez Minouchka).

Faire chauffer l’huile dans une cocotte et faire revenir les oignons jusqu’à ce qu’ils soient dorés. Ajouter la pâte d’épices et la faire revenir à feu doux pendant environ 15 minutes, en ajoutant 3 cs d’eau au cours de la cuisson.

Ajouter la viande et faire revenir pendant 5 minutes a feu moyen. Ajouter les tomates et continuer la cuisson pendant 5 minutes. Saler au goût.

Ajouter 800 ml d’eau chaude et cuire à couvert jusqu’à ce que la viande soit bien tendre (environ 1 heure). Découvrir et faire réduire la sauce. Ajouter ensuite le lait de coco et laisser épaissir.

Servir avec du riz. Ce plat, préparé la veille et réchauffé, est encore meilleur.

Il n’est pas aussi fort que la quantité de piments pourrait le laisser penser, la complexité du mélange d’épices transparait sous la chaleur des piments. Mais il demande quand même un palais habitué à ce genre de cuisine.

56 comments:

Clairechen a dit…

Mais quelle coincidence!!!
1. J'ai ce livre et 2. je viens de publier un curry!!!!!
C'est de la télépathie!

Je ne résiste pas à ton curry!

Clairechen a dit…

Ah oui, au fait: J'adore ta nouvelle bannière!

Anonyme a dit…

Oh oui il a l'air so delicous ton curry et comme je suis dans ma période curry il me ravit les yeux.

Marmitedecathy a dit…

tu l'as acheté finalement ce livre ? il est sympa, je l'adore !
il va falloir que je fasse aussi ce curry-là !
PS superbe cette bannière, plus gaie que la précédente, j'adore !

Anonyme a dit…

bon, c'est pas original mais moi aussi, j'aime le livre, ton curry et ta nouvelle bannière toute jolie!

Mamina a dit…

Je ne connais pas ce livre, mais je vais essayer de voir si je peux le trouver. Ce que tu nous en dis et ta recette font plus qu'envie.

dumè a dit…

et en plus, la photo est ds les tons de la bannière ; Grande maison !
dis moi, ma belle je n'ai pas de graines de pivot, pourrais-tu m'en procurer ?
: )
excellente soirée ;

Gracianne a dit…

Oups, une qui lit les recettes. Je corrige, mais c'était joli pivot :)

Anonyme a dit…

Je trouve ton récit assez captivant, tout le long du récit je me suis senti dans les dédales de ce hall glauque :) puis après en plein extase devant un merveilleux curry d'agneau qui me laisse dans un nuage bien oriental.

Anonyme a dit…

Ca valait vraiment le coup d'attendre un peu...
Un texte et une ambiance comme toi seule sais les créer... La Gracianne Touch...
Un curry pour papilles averties, comme je les aime, en plus d'agneau!! Tout est parfait...

Anonyme a dit…

bon, moi je ne voyage pas beaucoup (trop besoin de mes copains, de mes voisins, de mon quartier... c'est nul, je sais, mais même en grèce, au bout de 8 jours, il est grand temps de rentrer pour moi. Ridicule, je sais) mais rien que pour avoir le plaisir de demander à quelqu'un de dépiauter une noix de coco et la réduire en miettes (et risquer de voir enfin à quoi ressemble un oeil qui aurait volé à travers la cuisine), je tenterais bien cette recette (en plus, j'ai presque tous les ingrédients sous la main, si c'est pas de la télépathie;)!!!)bises gracianne!

Anonyme a dit…

quel univers! la cuisine indienne, je suis conquise, avec de l'agneau ce doit être exquis!

Anonyme a dit…

Joli billet et ce curry ma foi est tout ce que j'aime!

Anonyme a dit…

Que de saveurs et de couleurs, enrobées dans ce beau récit...

Anonyme a dit…

Encore, s'il te plait...

helyne a dit…

comme j'aimerai être une petite fille à laquelle tu racontes des histoires au coin du feu dans une vieille maison de campagne....

Anonyme a dit…

tu racontes si bien Gracianne....

Anonyme a dit…

Ton texte est superbe, on se croirait chez Murakami, je voyage... Et le crry d'agneau, c'est vraiment le meilleur! (ça y est j'ai acheté le livre, mais en français)

Anonyme a dit…

Voilà enfin ton conte épicé aux couleurs d'Inde pour cette terre si aimée. D'une fine plume t'as su captiver mon attention, d'une authentique recette t'as su éveiller mes papilles qui en demandent et en demandent de la cuisine indienne (bien plus que des curry!!)
Tout est parfait, comme d'habitude chez toi.

Merci bien pour le clin d'oeil (et dire que je sors de ma cuisine après une bonne sénace de pâte de curry maison numéro 8!!)

Papilles et Pupilles a dit…

Que c'est joliment écrit ! Dis moi Gracianne, la coriandre en poudre, cela a le goût de la coriandre en grains ou de la coriandre herbe. Désolée si la question est un peu bête mais je n'aime pas la coriandre fraîche.
Moi aussi je trouve ta bannière magnifique ! C'est de l'Ossau-Iraty ? ;)

Anonyme a dit…

j'ai tout. Je n'en reviens pas j'ai tout dans mes placards ! A part la coco fraiche mais finalement c'est rien du tout !
Tous tes curries me font envie, ceux du friday aussi ;) et tes mots ... ah tes mots ...
J'aime te lire Gracianne :)

lena sous le figuier a dit…

Oh tu nous fais à nouveau voyager, rêver! Impossible de résister à ton curry! faire soi-même sa pâte d'épices, c'est tout de même autre chose, doser comme on aime...
Que j'aime te lire Gracianne!

Anonyme a dit…

J'ai hâte... j'ai hâte de lire ton livre. Et merci pour la référence de livre... Tout a l'air si délicieux!

Rosa's Yummy Yums a dit…

Un beau billet! Merci pour cette histoire...
Ton curry est magnifique! Je sens son odeur épicée même derrière mon ordinateur...

Bises,

Rosa

Flo a dit…

Magique... merci !

Gracianne a dit…

Ouh la, l’avalanche de compliments, arrêtez les flashs ;)

Tu vois Véro, c’etait une bonne idée que cet exercice imposé. J’ai lu quelques-uns des textes que ça a produit, et j’ai été charmée. Je crois que nous devrions en faire un e-book, juste comme ça pour le fun.

Lilli-Violette, tu as mis le doigt sur le sujet qui fache: la noix de coco. D’abord il faut la choisir. Vous vous y connaissez en noix de coco vous? Moi non, c’est facile de tomber sur une noix rance. Mais le livre précise qu’une noix de coco bien fraiche contient beaucoup de lait, ce qui s’entend quand on les secoue. Je suis donc allée secouer les noix de cocos dans les magasins indiens ;)

Ensuite, comment la casser? J’ai pensé la fracasser par terre, mais j’aurais perdu le jus. Donc ce fut poinçon et marteau pour la percer et récupérer le jus, puis un grand coup de marteau. Succès total, mais il ne faut pas se louper.

Enfin il faut lui ôter sa peau extérieure brune, bien coriace. C’est long.

Bref, si vous êtes pressés, je vous conseille le lait de coco en boîte, mais ça n’aura pas le meme goût. D’ailleurs, ce n’est pas une recette pour gens pressés, la pâte de curry étant elle aussi très longue à préparer. Il vaut mieux tout faire la veille.

Anne Papilles, la coriander en poudre ce sont les grains moulus. Alors non cela n’a pas le même goût que les feuilles, c’est plus subtil, moins fort. Mais tu dois connaitre.

Et oui c’est bien un fromage Basque sur la bannière. C’est un ardi gazna fermier, du brebis donc, sauvage et délicieux, rapporté de Haute Soule par mes parents.

Et merci pour vos compliments sur la bannière. Je suis moi-même très fière du travail de mon web-designer de mari.

Anonyme a dit…

Il y a du changement on dirait à la campagne.... Et c'est réussi, très joli!
J'adore ta façon de raconter, on dit que lire permet de développer l'imagination, là c'est l'illustration parfaite, si je peux dire, on lit et on imagine tout, ona l'imrpession d'y être et l'atmosphère est même palpable..... J'adore!
Ce curry a l'air délicieux, évidemment je n'ai pas tout sous la main, mais cela fait vraiment envie!

Anonyme a dit…

On voyage beaucoup chez toi en ce moment!
Que de parfums dans ce curry, il a dû embaumer ta cuisin et merci pour cette belle histoire...

Ranjiva a dit…

J'aime beaucoup ta façon de raconter, c'est toute une atmosphère. on s'y croirait vraiment être dans le dédale de ces immeubles. C'est captivant. Tous ces mélanges d'épices me tentent beaucoup. c'est très tentant ton curry d'agneau.

patoumi a dit…

Sous le charme... Mon palais ne va faire que réclamer un curry aujourd'hui je le sens.
Et tu me rappelles la fois où on a cassé une noix de coco à coups de marteau sur le sol de la cuisine (protégé par des torchons hein, on est un peu maniaque...)

Anonyme a dit…

La première fois peut surprendre surtout avec du Madras. Ma bouche s'en souvient encore mais dieu que c'est bon. Merci à toi pour ce beau voyage.

Anonyme a dit…

J'ai oublié de te féliciter pour ta bannière.

Claude-Olivier Marti a dit…

Tu racontes très bien un curry...j'en ai les papilles toutes retournées ;-) je dois avouer que je connais plus les curries thais que les curries indiens, mais ce n'est qu'une question de temps ;-) merci pour ce voyage dans ce joli billet! biz

maloud a dit…

Ton texte a été la suite de The God of Small Things de Arundhati Roy qui me faisait compagnie sur la terrasse. Tu ne seras pas sorcière?
Pour le coco pas de problème. J'ai grandi dans un empire colonial. Depuis longtemps je sais les choisir.

Anonyme a dit…

Raconte-nous encore Gracianne.

(Ta nouvelle bannière aux couleurs d'automne est très belle).

Anonyme a dit…

je ne sais pas raconter les currys mais je sais gouter :) alors je veux bien une assiette de ton curry

senga a dit…

Harira et maintenant curry que de parfums subtils, tout ce que j'aime quand il fait froid ici

Anonyme a dit…

Ta cuisine doit embaumer avec ce plat si délicieux!

stef a dit…

je ne suis pas familère du curry mais ton récit et ta recette me font très envie, j'espère être un jour initiée...

Alhya a dit…

je n'ai jamais osé faire de curry... mais celui-ci, ainsi mis en mots et en images... ne me donne qu'une envie, me lancer, enfin!

Anonyme a dit…

Quel beau curry tu nous as fait là. Difficile de prendre la plume derrière toi. Bon courage Elvira !

Dorian Nieto a dit…

Depuis le temps que j'attendais de nouvelles balades asiatiques... ta dernière m'avait mis des rêves d'Asie dans la tête pendant un grand moment... et celle-ci va remettre en marche ma machine à rêve ! Et puis tu ajoute une touche de Camellia Panjabi... comment résister !

Hélène (Cannes) a dit…

J'ai le même livre et tu as raison, il est merveilleux ! Belle balade, aussi ...
Bises
Hélène

Anonyme a dit…

Est-ce que tu as déjà trouvé un éditeur?! Bravo, pour tes capacités littéraire et culinaire!

Trop top ton curry.....

Anonyme a dit…

On est tellement pris dans l'ambiance que la fin nous laisse un gout de trop court. dis racontes moi encore une histoire ...
le curry a l'air aussi delicieux ...dis fai moi encore un plat ...
on ne s'en lasse pas

Anonyme a dit…

comme ça a l'air bon ; je sens d'ici le parfum des épices !
amicalement, patoo

Tit' a dit…

Héhé ! Il était temps ! Je commençais à avoir les crocs à attendre ce curry ! Hihi !
J'te charrie !...
La bien belle histoire de curry, le bien beau curry ! Madras en plus de cela. OUCH ! Voilà pas un curry de chochotte, hein !... Que de souvenirs... mon premier Madras... la langue brûlée au énième degré... et tant pis après tout, c'était si bon, si bon...

nuage de lait a dit…

superbe billet et... superbe curry

Anonyme a dit…

Superbes curry mais...que de piments! ça a l'air quand même délicieux. Bises.

Mingoumango (La Mangue) a dit…

Ton texte me fait penser au film de Wong Kar Wai. Je ferais bien un tour dans ce quartier quand j'irai à HK (au printemps si tout va bien...).

Anonyme a dit…

Voilà une jolie façon d'évoquer le curry... mais une chose est certaine, celui que tu nous a cuisiné là risque de me rendre malade... d'envie!!! Bises +++

Anonyme a dit…

C'est une bonne idée en effet! Quand j'aurai un peu de temps libre, j'essaierai de m'y atteler... Je crois que j'en ai laissé passer pas mal, par contre...

Anonyme a dit…

J'ai ce livre, je me souviens l'avoir acheter il y a quelques années déjà à Londres .. Que de souvenirs, je l'adore !

Anonyme a dit…

Oh oui il est magnifique ce curry d'agneau ! Je devine tout-à-fait ses saveurs vu que je le fais preque pareil... ;) Et quel dommage que tu aies été malade en mangeant un thali, c'est pourtant si bon ! Mais tant mieux pour nous, c'était une jolie promenade...

Mimine a dit…

Je confirme ce bouquin est top. Alors, c'est quand qu'on vient en manger chez toi???? ;)

Elvira a dit…

Sublime curry, très bien raconté. J'achète de l'agneau et je te raconte le mien (les miens, c'est un plat qui revient beaucoup chez moi, qu'il soit indien, thaï, chinois, portugais, mozambicain...). Merci pour l'invitation.

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