« Venez me voir ma fille, je vous montrerai. » Elle me vouvoyait, toujours. Il y avait tant de choses que j’aurais pu apprendre de cette tradition culinaire étonnante, totalement étrangère à la mienne. Cette cuisine juive qui venait d’Espagne, était passée par le Maroc et l’Algérie, pour émigrer finalement en France, reproduisait inlassablement ses exodes et sa nostalgie. Je n’avais pas compris à l’époque que cette cuisine là n’est pas dans les livres, mais dans les mains des vieilles femmes, dans la transmission du savoir-faire. Dans la convivialité aussi, dans ces repas qui réunissaient toute la famille autour des plats fétiches de Mémé.
Il y en avait un en particulier que ses petits-fils lui réclamaient toujours, une de ces recettes qui demandent temps et patience : le poulet roulé, une volaille désossée, parfumée de macis, puis roulée sur elle-même et rôtie. On le mangeait froid, en tranches, accompagnée de frita et d’épaisses tranches d’aubergine grillées à l’huile.
C’est en tâtonnant que j’ai essayé de retrouver cette recette que nous aimions tous.
En souvenir d’un repas sous les frondaisons des Tuileries, partagé avec une parisienne d’origine auvergnate et une parisienne d’origine chinoise, laquelle avait apporté un tabouleh libanais et des brownies tout a fait américains. Et si c’était ça, au fond, notre identité nationale ?
Poulet roulé au macis
Après avoir hésité longtemps, cherché en vain dans les livres de cuisine la recette de Mémé, interrogé la famille, je l’ai refaite à ma façon. Je crois que je ne suis pas bien loin du goût que je cherchais, mais si vous avez des suggestions sur la recette traditionnelle, elles seront les bienvenues.
1 gros poulet bien charnu
2 cc de macis moulu
1 cc de muscade moulue
1 cs de feuilles de coriandre ciselées
Sel, poivre
1 gousse d’ail
1 cc de curcuma
Huile d’olive
Il faut d’abord désosser le poulet. Je ne savais pas faire, c’est cette difficulté là qui m’a longtemps retenue d’essayer. En fait, c’est simple, il faut juste un bon couteau et un peu de patience. Jetez donc un coup d’œil à cette vidéo que j’avais passée à Tiuscha quand elle s’était essayée à l’exercice, vous aurez tous les détails (âmes sensibles et végétariens s’abstenir).
Ensuite, étaler le poulet à plat sur un plan de travail, peau au dessous. Saupoudrer la chair de macis, muscade, sel, poivre et coriandre. Puis rouler la bête sur elle-même en boudin, en enroulant la peau sur l’extérieur. Faire une jolie suture tout du long avec une grosse aiguille et de la ficelle à rôtir, puis ficeler façon saucisson. A ce stade là déjà, vous êtes plutôt fiers de vous.
Dans une cocotte à fond épais, faire chauffer un peu d’huile et laisser dorer uniformément le poulet. Saler, ajouter l’ail et le curcuma, couvrir et baisser le feu. Ajouter un peu d’eau en cours de cuisson pour que la viande ne se dessèche pas. Laisser cuire environ une ½ heure à ¾ d’heure, selon la taille du poulet. Egoutter le poulet et laisser refroidir plusieurs heures avant de couper en tranches. Servir avec une bonne frita.
30 comments:
Oui au fond c'est ca notre identité nationale ! S'imprégner des cultures qu'on aime que ca soit de nos origines ou d'ailleurs.
Et certaines recettes ancestrales, si on ne les écrits pas dans nos cahiers de recettes qui datent on ne pourra jamais les retrouver plus tard des des livres de cuisine telles qu'on les souhaite!
Ton poulet roulé m'attire et me rend nostalgique ! (je te rassure une nostalgie positive) Merci Gracianne :)
Et à quand le déjeuner avec une Parisienne d'origine Maroc-Algérienne, on trouvera certainement des choses à se raconter, des souvenirs à faire resortir tels des bijoux de famille, gardés justement en secret.
Mes grands-mères à moi sont loin, très loin que je regrette ces moments d'échange si précieux. Il me reste ma maman, elle a su justement en tirer profit de tout ce que l'on peut transmettre de mère en fille, me voilà aussi captivée par ça ... et au bonheur de le transmettre un jour à ma fille qui est aussi loin à venir... très loin !
Ton billet me rappelle ma douce mémé Emma. Elle m'a transmis tellement et pas seulement en cuisine. C'est maintenant à mon tour avec mes filles. Quoique là, il va falloir d'abord que j'apprenne à désosser un poulet. Je te tire mon chapeau.
Bises
C'est une des choses que j'ai apprises en rencontrant les fans de cuisine, la transmission et faisant avec, en regardant faire, est irremplaçable, et quel plaisir!
Et je crois qu'on est de la même identité culturelle ;-)))
Ah bon aujourd'hui il n'y pas de pizza ;-) ? J'aime tout autant cette recette emplie de souvenirs, de liens, de réminiscences. Le macis, je ne l'utilise que très rarement, je note ! Bises.
A moi aussi, ce billet me rappelle tout ce que ma mémé (c'est comme ça que je l'appelais) de Haute-Savoie née en Toscane m'a transmis!
Le goût des bons produits, les gestes à la fois instinctifs et précis et le doux sourire de plaisir quand elle voyait que j'aimais (que nous aimions). Elle savait qu'une fois rentrés à Paris,on allait essayer de réussir la salade de tomates aussi bien qu'elle.
Et ce n'était jamais aussi bon, jamais.
Bon week-end.
une jolie recette et une bien belle histoire
Je n'ai malheureusement jamais connu mes grands-mères et l'ai toujours regretté. Je suis certaines qu'elles m'aurait appris beaucoup de choses.
Félicitations pour le désossage de la volaille, il est vrai que cela fait un peu peur mais avec de la patience et comme tu le dis un bon couteau on y arrive. ;-)
A ce stade, tu peux être fière de toi! La recette que j'ai (cuisine juive marocaine) prévoit une farce à base de viande hachée, pignons de pin, chapelure, oeufs frais et oeufs durs. Si tu la veux, fammi un fischio ;-) Smack. Kat
La voici enfin la recette de poulet pied-noire ! Cela ne fait pas partie de mes racines mais de celles de mon mari, alors du coup on tisse une autre histoire petit à petit..
J'étais hélas petite, trop pour profiter de ces transmissions culinaires auprès de mes grand-mères, je le regrette tant ! Même certaines recettes de ma mère ont disparu avec elle...
Encore de beaux souvenirs des Tuileries
et de sacrés souvenirs gustatifs ...
Les "boudin thursday" ont remplacé les "curry friday", les pique-nique sur "notre" banc sont révolus, jusqu'à l'année prochaine :)
C'est un billet très émouvant! Je n'ai jamais eu la chance de faire la cuisine avec mes grands-mères. L'une a changé de four et après ses gâteaux étaient toujours un échec; elle cueillais des roses jaunes et avait la peau très douce. Je l'ai vue pour la dernière fois le jour avant sa mort quand j'avais 9 ans et je me souviens de ses cheveux blancs et de son sourire si gentil dans la voiture à côté de moi. Quant à l'autre, elle a fumé et a bu du whisky jusqu'à 100 ans mais n'aimais pas faire la cuisine. Et puis l'identité nationale, c'est ce que chacun apporte avec ses souvenirs, sa culture et ses intérêts je crois.
Si je le lui demande, mon boucher
sans doute, ne me refusera pas le
desossage du poulet.. et, là j'aurai
le courage de le préparer comme toi.
Gab, en fait, je faisais ça pour m'amuser, je pense qu'en insistant le boucher le ferait. Mais j'avais envie d'essayer.
Vanessa, elle est sympa ton histoire de grands-mères, si joliment décrites. Moi je parlais de la grand-mère de mon homme, les miennes malheureusement ne m'ont pas enseigné grand chose en cuisine, l'une est partie trop tôt, l'autre ne s'y intéressait pas trop je crois.
Marion, le boudin Thursday, je ne sais pas trop, j'ai eu un mal fou à digérer, on va peut-être passer au confit en attendant l'été et les piques-niques.
Tu vois Tiuscha, si tu ne t'étais pas lancée dans le désossage des volailles, je ne sais pas si j'aurais eu le courage de tenter. Donc merci!
Ciao Kat, je l'ai le livre de la cuisine juive marocaine, je l'ai d'ailleurs utilisé pour la méthode de cuisson. Mais la recette que je cherchais était plus simple, moins riche, je crois d'ailleurs que je préfère.
Choupette, c'est toi qui enseignera à tes petites filles, tu feras surement ça très bien. Encore un très bon blogversaire à toi.
Mamina, tu as eu de la chance, j'espère que tes petites filles auront d'aussi jolis souvenirs de toi.
Ben non, Sophie, toujours pas. J'en fait chaque semaine, mais des classiques, et le soir, pas assez de lumière pour les photos. Et puis on ne peut pas photographier tout ce qu'on mange.
Apprendre en regardant c'est ce qu'il y a de plus important Pascale, on devrait plus regarder ce que font nos grand-mères. Et effectivement, je crois que nous avons la même idée de l'identité.
Comment Hélène, tu ne sais pas encore désosser un poulet?
Minouchka, je suis sûre que tu sauras transmettre. Quand est-ce que tu nous fait une petite fille au fait?
Paprikas, si seulement ça ne passait que par la bouffe, on serait tous d'accord sur l'identité nationale je crois. Un joyeux mélange.
Comme je regrette de n'avoir jamais eu a chance de goûter à la cuisine de mes grandes tantes pieds noires... ma mère m'en parle tout le temps, surtout de la salade de poivrons :-)
En voilà un merveilleux exemple de cette cuisine si généreuse, simple en apparence, elle requiert une patience infinie... j'aimerai bien savoir combien de temps on met à désosser un poulet lorsqu'on est novice!!
En tous cas, ça a l'air vraiment délicieux... et tu en as de la chance d'avoir une photographe personnelle si douée;)
Bon weekend et felicitations pour la recette!
merci pour les souvenirs, la recette et la video sur comment d'essoser un poulet. Il me faut bien essayer - sinoin avec un poulet, alors avec une dinde.
Ta recette me rappelle les galantines de poulet chez ma mère. (J'ai dit chez ma mère et non de ma mère:)). Et j'imagine le carnage dans ma cuisine, après l'achat des couteaux céramiques. Je te raconterai l'épopée.
Un plat superbe! Une belle façon de préparer le poulet!
Bises et bon WE,
Rosa
La tradition orale se perdra peut-être , quelle chance de connaître les blogs qui sont une autre façon de transmettre, même s'il y manque la chaleur de la voix, le sourire ,et le visage aimant de la grand-mère .
Il y a de l'or dans les mains des vieilles femmes et tellement d'amour quand elles prennent les vôtres.
Ciel ! Tu crois que je peux demander au boucher de désosser le poulet pour moi ? Je n'aurai jamais le courage de le faire moi-même...
Jolis souvenirs d'été... Merci pour la recette.
Bon, ça n'a pas l'air si difficile que ça (je veux dire, entre découper proprement une volaille et la désosser, il n'y a pas si grande différence, je pense que je vais essayer). (j'adore dépioter les volailles, à cause des regards amoureux du chat à mes pieds)
Sinon, j'ai envie de jouer la gourde de service : où trouves tu du macis?
Ton billet me plaît beaucoup. Des mots très justes et très respectueux
alors là, tu me fais frissonner...et je reste là ; songeuse...
Evidemment, ça va être un peu dur pour moi mais c'est très tentant.
Eglantine, tu es sure? Je crois qu’il faut aimer manger de la viande pour se lancer dans ce genre de chose.
Dumè, à quoi songes tu donc ?
Non Camille, ce n’est pas difficile, ça se retourne – presque – comme une chaussette. Pour le macis, il n’est pas toujours très facile à trouver effectivement. On en trouve dans les épiceries indiennes, mais plutôt sous forme d’écorces. Celui-ci je l’avais acheté dans une épicerie casher dans le Marais. J’imagine qu’on doit le trouver aussi dans les épiceries orientales.
Surtout avec ton poignet cassé Mingou, et puis on ne sait jamais, tu pourrais te couper avec le couteau. Sérieusement, je n’ai aucune idée si les bouchers acceptent de le faire, mais je suppose que oui, si tu lui fais ton plus charmant sourire.
De l’amour, il y en avait Véro, oui, tout plein. Il en faut pour passer comme ça des heures en cuisine pour nourrir son monde.
Oui, la transmission a changé de forme Irisa, mais les émotions, les odeurs, le ressenti ne peuvent pas passer par le net.
Merci Rosa.
Ouh là, Malou, attention aux couteaux qui coupent fort, je ne voudrais pas être responsable d’un accident dans ta cuisine.
Sylvie, avec une dinde ? Tu t’attaques à une grosse bestiole là
Ciao Enrico, et merci.
~Marion~ tu devrais essayer de les faire ces recettes dont parle ta mère, tu retrouverais une partie de ton histoire familiale. Et je peux te dire combien de temps ça prend, parce que j’ai recommencé récemment : une vingtaine de minutes, y compris le temps perdu à mettre un pansement suite à un accident de couteau qui coupe. Bon, après, il faut encore le farcir, le coudre (un peu long) et le ficeler. Je dirais en tout une heure, mais je vais m’améliorer. Et oui, j’ai de la chance avec mes photographes officiels.
Mais j'ai tout loupé ! Mon i google qui me donne les changements de billets t'a laissé en plan, figure-toi ! Et moi comme une andouille je reste là sans rien faire, sans vérifier ! ;o) Bon ben au moins j'ai de la lecture, avec ce retard-là !
Désosser un poulet, ça va à peu près ... Il ne me reste plus qu'à essayer de le farcir comme toi ... Belle cuisine du partage ... et ce qui est beau, c'est que tu contribues à la poursuite de ce partage ...
Allez, je continue mon voyage culinaire dans ton coin ! ;o)
Ah les recettes de mémé, un vrai souvenir. Voilà donc le fameux poulet dont tu parlais ... J'en suis toute admirative.
Bises
"Cette cuisine juive qui venait d’Espagne, était passée par le Maroc et l’Algérie, pour émigrer finalement en France, reproduisait inlassablement ses exodes et sa nostalgie."
Gracianne for president.
Macis (Mais si) c'est du poulet de championne!!!!!
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