C’était un défi qui me tentait depuis des années : réussir la Colomba, la mythique brioche que l’on trouve partout en Italie à l’approche des fêtes de Pâques. Moins connue en France que ses cousins Panettone et Pandoro, elle est au moins aussi importante dans la tradition italienne que la buche de Noël l’est chez nous. Brioche au levain à double fermentation, cuite dans un moule en forme de colombe, elle est enrichie d’écorces d’orange confite et glacée d’un mélange d’amandes, de noisettes et de pignons liés au blanc d’œuf puis recouverte de sucre perlée et de sucre glace avant cuisson.
Il me fallait les moules, Cathy et Réquia me les ont trouvés, une commande spéciale sur My Sweet Boutique, merci les filles !
Il me fallait la recette, je l’ai trouvée en Italie, naturellement, chez Martina qui suivait elle-même celle de Papum, un pâtissier professionnel qui a eu la générosité de mettre sa recette à la disposition du public (j’ai vu depuis que Rosa avait utilisé la même recette en 2009, j’aurais pu chercher moins loin).
Et puis il me fallait du temps, beaucoup de temps, devant moi. La colomba se mérite mais le résultat est à la hauteur de la technicité et de l’attente. La mie est alvéolée, douce, odorante, le glaçage est une gourmandise à lui seul et je ne vous raconte pas l’odeur qui se répand lors de la cuisson…Insomma, comme l’écrit Martina, è da provare!
La legatura, l’incordatura, la mandorlatura, elle est bien plus belle, plus parlante écrite en italien cette recette. Je vais essayer de vous la traduire à ma façon. C’est long, ça peut sembler rébarbatif et technique, peut-être que ça n’intéresse que moi, mais allons-y quand même.
La farine : la recette italienne préconise d’utiliser de la farine manitoba (et encore pas n’importe quelle marque, il y a des discussions sur les blogs italiens à ce sujet) qui a un taux plus élevé de protéines et supporte mieux les longs temps de levée et l’ajout d’ingrédients tels les écorces d’orange confite. En France, on trouve la manitoba dans certains magasins bios (voir le joli billet d’Estérelle à ce sujet), mais je n’en avais plus. Marie-Claire utilise de la T65 pour ce type de recette, mais celle que j’utilise pour le pain est un peu trop corsée pour les brioches. J’ai donc opté pour de la T55 bio, additionnée d’un peu de gluten (en magasin bio) pour la renforcer. Au choix, si vous tentez cette recette, préférez une bonne T65 ou de la manitoba si vous en trouvez, vous obtiendrez de meilleurs résultats.
Le levain : pour réussir cette recette, il faut d’abord préparer un levain très actif et rafraichi de nombreuses fois à intervalles courts pour lui ôter son acidité. Le levain transalpin est plus solide que le levain humide que nous utilisons pour le pain, presque une pâte à pain. J’ai totalement raté mon premier essai et recommencé à zéro en suivant les indications de Marie-Claire pour sa recette de panettone, qui se sont avérées (sans surprise) efficaces.
Au passage, le levain chef se traduit en italien par « pasta madre », pâte mère, ce que je trouve bien plus parlant.
Colomba di Pasqua
(pour 4 moules de 300g)
Jour 1
18 :00 Rafraichir 50g de levain chef de 20g d’eau et 40g de farine (ici T55 additionnée d’1/4 cc de gluten), couvrir et laisser tripler de volume dans un endroit tiède.
22 :00 Rafraichir 50g du levain obtenu de 50g de farine et 23g d’eau (ma farine absorbant beaucoup l’eau, j’en ai mis un peu moins, environ 40g, il ne faut pas que le levain soit trop ferme).
Ensuite, et c’est là que ça devient fun, emballer le levain dans un sac en plastique type congélation, puis dans un linge et lier le tout (legatura) comme un saucisson pour éviter que le levain ne s’échappe. Il semble que ce procédé lui donne plus de force et moins d’acidité (voir la technique chez Marie-Claire et la vidéo de Martina). Laisser le levain emmailloté à température ambiante toute la nuit.
Jour 2
9 :00 Ouvrir le petit paquet, qui devrait être normalement tout rebondi et contenir un levain très aéré (surprise…). Prélever 25g au cœur de ce levain.
Faire le 1er rafraichi comme suit :
- 25g de levain chef
- 50g de farine *
- 25g d’eau minérale
* Là encore j’ai utilisé la T55 additionnée d’1/2 cc de gluten et j’en ai mis environ 45g, il faut que la pâte s’agrège en boule autour de la cuillère, mais elle ne doit pas être trop dure pour autant.
Pétrir cette pâte au laminoir (degré 0) ou au rouleau, comme pour les pâtes fraiches, une dizaine de fois, jusqu’à obtenir une pâte souple et homogène. Former une boule, la déposer dans un saladier, l’inciser en croix, couvrir et laisser lever environ 4 heures au chaud, jusqu’à ce qu’elle double de volume.
13 :00 (environ) procéder de la même façon pour le 2ème rafraichi en utilisant les proportions suivantes :
- 50g de levain chef
- 75g de farine *
- 37,5g d’eau
* Là encore, adapter les proportions et enrichir éventuellement de gluten.
Laisser doubler de volume environ 4 heures.
17 :00 (environ) Procéder au 3ème rafraichi en utilisant les proportions suivantes :
- 100g de levain chef
- 100g de farine (pour moi environ 85g)
- 45/50g d’eau
Laisser doubler de volume au chaud.
Vers 21-22h00 (enfin !)
Premier pétrissage
- 135g de levain chef
- 390g de farine (additionnée d’11 cc de gluten pour moi)
- 155g de beurre mou
- 105g de sucre
- 3 jaunes d’œuf
- 150g d’eau minérale
- 50g d’eau minérale pour la finition
Faire dissoudre les 105g de sucre dans 150g d’eau.
Mélanger le levain chef avec les jaunes d’œufs et pétrir pendant 5 minutes. Ajouter l’eau sucrée et mélanger, puis ajouter la farine. Pétrir jusqu’à obtenir un mélange homogène. Ajouter le beurre mou et pétrir longuement jusqu’à ce que la pâte se détache des parois du bol, devienne brillante et très élastique et s’étire jusqu’à transparence sans se déchirer. C’est ce que les italiens nomment l’incordatura, la pâte forme une corde et s’enroule autour du crochet. Le test de la transparence, ou de la vitre, est illustré ici par Marie-Claire.
En pratique, j’ai pétri à vitesse 1 pendant environ 30 minutes (je ne sais pas ce que ça donne à la main, je n’ai pas l’intention d’essayer, d’autant plus que cette pâte est très collante).
A ce stade, ajouter petit à petit les 50g d’eau restante, mais seulement si la pâte les absorbe. Arrêter dès que la pâte ne semble plus absorber l’eau.
Verser la pâte dans un grand saladier, couvrir d’un linge et laisser lever toute la nuit (environ 12 heures) dans un endroit tiède (par exemple contre un radiateur et bien à l’abri des courants d’air). La pâte devrait tripler de volume.
Jour 3
2ème pétrissage.
- Pâte obtenue du 1er pétrissage
- 85g de farine
- 15g de miel
- 4g de sel
- 30g de sucre
- 3 jaunes d’œufs
- 30g de beurre fondu
- 2cc d’extrait de vanille
- zeste d’une orange (au goût)
- 300g d’écorces d’oranges confites coupées en dés *
* je n’en avais que 150g, orange et citron mélangés et je trouve que c’est suffisant. A vous de voir.
Pétrir le premier pâton avec le sucre le miel et le sel à vitesse minimum jusqu’à ce que la pâte forme une boule et que les ingrédients soient bien incorporés. Ajouter ensuite la farine et bien l’incorporer. Ajouter ensuite les jaunes d’œuf légèrement battus, 2 cc à la fois en mélangeant bien entre chaque ajout. Puis ajouter le beurre fondu (mais pas chaud) en trois fois, le zeste d’orange et la vanille et pétrir de nouveau jusqu’à ce que la pâte fasse la corde (environ 20-25 minutes). A ce stade, ajouter les dés d’orange confite et mélanger brièvement jusqu’à ce qu’ils soient bien incorporés.
Couvrir la pâte et laisser reposer une heure.
Verser la pâte sur un plan de travail légèrement fariné et diviser en 4 morceaux du même poids (j’avais un peu plus de 300g pour chaque moule). Diviser chaque pâton en deux et former les ailes et le corps de la colombe (voir le billet de Papum pour le façonnage en photos). Disposer dans les moules et laisser reposer, couvert d’un linge dans un endroit chaud, jusqu’à ce que la pâte arrive à 1 cm du haut du moule.
En théorie, ça devrait prendre environ 4 heures. En pratique, il ne faisait pas chaud ce jour là, ma pâte ne levait pas, je les ai finalement mis à lever dans le four thermostat minimum (40ºC fonction levée – on peut aussi préchauffer le four au mini et éteindre de suite, pour qu’il fasse fonction d’étuve). Je n’y croyais plus, mais ma pâte a levé très doucement pour arriver presque en haut du moule vers 21:00. Donc chez moi environ 8 heures de levée (Je suppose que ça tient autant à la chaleur qu’à la qualité de la farine).
Préchauffer le four à 180ºC
Préparer le glaçage (mandorlatura):
- 30g d’amandes amères*
- 30g de noisettes grillées
- 55g d’amandes (avec la peau)
- 10g de pignons
- 225g de sucre
- blancs d’œufs (environ 3)
- Amandes mondées coupées en deux, sucre perlé et sucre glace pour la finition
* je n’en ai pas trouvé, je les ai remplacées par des amandes mondées.
Réduire en poudre les fruits secs. Bien mélanger avec le sucre. Ajouter petit à petit suffisamment de blanc d’œufs pour former une crème.
Réduire en poudre les fruits secs. Bien mélanger avec le sucre. Ajouter petit à petit suffisamment de blanc d’œufs pour former une crème.
Répartir cette crème sur les colombes avec le dos d’une cuillère. Parsemer d’amandes mondées. Couvrir abondamment de sucre perlé puis de sucre glace.
Enfourner pour environ 30-35 minutes – la recette indique un temps de cuisson de 50 minutes pour les moules de 1kg et de 40 minutes pour les moules de 500g.
Normalement, si tout se passe comme prévu et que vous avez bien suivi la recette, vous devriez obtenir 4 colombes bien gonflées et couvertes d’une croûte délicieusement craquante et odorante. Elles se conservent en principe longtemps bien emballées. Dévorez-les, offrez-les, faites en ce que vous voulez.
30 comments:
J'adore cette spécialité! Ta colombe est bien belle. Cette recette est parfaite. ;-)
Bises,
Rosa
J'ai suivi avec beaucoup d'attention et d'admiration la périple de Marie-Claire et de son panettone ... J'ai autant d'admiration pour ton aventure avec cette colomba !! Ce doit être vraiment très bon !
J'aime beaucoup ce billet pour mille raisons (y compris celles techniques ;-). Un immense bravo, elle est parfaite.
Je me suis déjà lancée plusieurs fois dans le panettone (là aussi il faut du temps devant soi) mais jamais dans la colomba, il faudra que je tente.
Je vois que ton levain est super chouchouté ;-)
Moi aussi Rosa, en plus c’est bien meilleur fait maison, de cette façon traditionnelle. Tu sais de quoi tu parles, je suis certaine que la tienne était délicieuse aussi.
Réglisse, moi aussi j’avais adoré la série « panettone » de Marie-Claire. Si j’avais eu du temps devant moi à ce moment là je l’aurais suivie en direct dans l’aventure. Malheureusement il m’arrive assez rarement d’avoir trois jours pleins à disposition pour surveiller la poussée d’une brioche ;)
Edda, évidemment toi tu comprends la fascination pour la colomba, le genre de défi que ça représente, et la difficulté à rendre en français ces expressions italiennes si imagées. Si jamais l’envie te titille de te lancer, je ne saurais que trop te conseiller cette recette (avec de la manitoba bien sûr). Je la trouve vraiment parfaite, j’ai été étonnée par le côté aérien de la mie et j’ai adoré le glaçage. Je n’en avais jamais mangé d’aussi bonne. Elle est à son meilleur le lendemain de la cuisson, mais même après quelques jours, elle est encore moelleuse, même si une légère acidité due au levain se révèle peu à peu.
Bonjour,
Rien à voir avec cette colombe (si ce n'est la pâte levée) mais il fallait que je vous dise: grâce à vous on la tient LA recette de la pâte à pizza! (et pourtant on a pétri à la main ;)!
Merci!
Noé, j’en suis ravie – moi aussi c’est celle que je préfère en fait, j’en ai essayé quelques autres, avec du levain, avec un peu de semoule fine ajoutée, etc, finalement je retourne toujours à la même. Par contre, essayez la avec de la levure fraiche, et de la farine manitoba si vous en trouvez, elle est encore meilleure.
Bravo pour le pétrissage manuel (je suis un peu paresseuse sur ce coup là, j’avoue).
Ouh quelle etchnique !! mais quel beau résultat !! encore plus belle que celles achetées en Italie.
Bravo Gracianne !!
Gracianne quel magnifique travail tu as choisi de partager avec nous! Et quel résultat splendide, je suis vraiment heureuse pour toi qu'il ait été à la hauteur de tes espérances... Je partage également l'obsession d'une brioche mythique que je souhaiterais un jour réaliser et qui est le panettone, c'est pourquoi le marathon de Marie Claire m'avait enchantée... Mais pour l'instant je ne me résous pas encore à le tenter, faute d'inexpérience absolue dans la maîtrise des levains chefs! Quand je vous que ta quête s'est soldée ainsi ça ne le rend que plus impatiente de franchir le pas... Un jour peut être ! En tout cas un grand bravo et merci de nous avoir fait partager ça... Viva Italia et ses brioches divines :-)
Voilà encore un grand mythe ! ces recettes fabuleuses nous font rêver. je n'ai pas encore tenté la colomba, mais c'est aussi dans mes projets... quand j'aurai de nouveau plusieurs jours devant moi...
elle est fabuleuse, je ne sais pas si j oserais! waowwww
je suis à la ramasse, je viens de comprendre pourquoi y avait des colombes partout. J'avais pas fait le rapport avec Pâques!!
houlala! Bravo!
Elles sont superbes ! Je me suis remise à pétrir à la main, moi .. ça me détend ... sauf dans les premiers instants quand la pâte trop molle s'enroule autour des doigts et semble n'avoir aucune intention de lâcher prise ... Mais finalement, on en vient à bout. UNe bataille contre la farine que je finis par gagner à chaque fois ! Malgré tout, je ne sais si je me lancerai dans le genre d'aventure que tu nous proposes ... QUand on voit la vitesse à laquelle mes garçons ingurgitent le résultat de mes efforts ... ;o))) Mais tu m'impressionnes, je dois le dire. ALors chapeau bas Madame, bisous et bonne journée
hélène
J'en ai goûté à Venise en février, et je me suis dit qu'il fallait absolument que j'essaie! J'ai vu aussi les moules sur My Sweet Boutique, et voilà la recette (elle fait un peu peur, mais pas plus que le pandoro, dont le moule d'ailleurs... ;-))) On se voit quand, que je te le rende enfin?
Y a plus qu'à...
Grazie per averl aprovata!!! Sono contenta ti sia piaciuta!!! Un abbraccio. Ti metto nella pagina: le mie ricette fatte da voi"!
OMG !! Maintenant que je l'ai vu, j'ai hâte de la tester !
Meilleure qu'en Italie ;)
Quelle magnifique brioche, que je ne connaissais pas d'ailleurs. C'est fait avec amour, tu lui as consacré tellement de temps, qu'elle doit bien te le rendre en saveur gourmande. Je garde l'idée dans un coin de la tête, car pourquoi pas commander ce moule...
Comme Marie-France, belle réussite. Elle ne se conserve pas très longtemps chez nous...
La colomba di Pasqua !!!
Alors ça, je ne m'en souviens pas du tout en avoir vu à Pâques en Italie. Zut.
Superbe! quel beau travail! j'ai noté les conseils pour la farine,je vais chercher!Bravo et merci!
Défi personnel magnifiquement réussi. À moi de trouver ces moules, j'ai le temps jusqu'à l'année prochaine.
Gracianne tu es la championne de la colomba!!!!! Je ne me risquerai pas encore à réaliser cette recette par contre en déguster un petit bout!!!!
Bonne soirée !
je ne connaissais pas, mais ça me fait envie :)
Tu es toujours aussi impressionnante. (et tu racontes bien la recette, je profite des parfums typiques des pâtisseries et des mots italiens)
Superbe !! Bravo.
Fnalement je n'ai pas eu le temps de tester mais mes pupilles se régalent avec ces belles photos.
Alors là j'adore ce type de recette "challange" !!! Je pense la garder bien au chaud et cet été pour mes congès me lancer à mon tour !!! Mon mari me parle souvant de celles qu'il mangeaient petit !!!
Tu m'épates avec tes belles recettes - ta colomba est parfaite et quel travail magnifique. Tu m'inspires à chercher des moules pour essayer à mon tour!
Argh, j'en ai terriblement envie. La croûte a l'air démente. Mais je n'aurai jamais le courage de me lancer là-dedans... (sans compter qu'il faudrait que je réanime Anatole au préalable)
Par contre, je pourrais réutiliser le glaçage sur une brioche plus classique...
Merci pour ce partage de cette délicieuse brioche! Je viens de terminer la mienne en suivant votre recette à la lettre elle est superbe !!!! Bien sûr la crème d'amande a un peu débordé mais j'avais prévu le coup ! J'ai mis un plat en dessous😉 .
Je la mets dans ma valise pour la déguster ce WE a Perigueux '
La plus grande difficulté est quand même de trouver les moules ( trouvé sur un site à prix exorbitant ....à Noel j'ai acheté mes moules panettone 5 fois moins chère 😱😰)
J'étais très contente d'utiliser mes oranges confites cette hiver .
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