Ça peut paraitre incroyable, mais il y a régulièrement des gens qui me contactent pour me proposer du «contenu éditorial» pour mon blog. En d’autres termes ils proposent d’écrire mon blog à ma place contre rémunération…AH AH !
Figurez-vous que j’ai trouvé encore mieux, un lecteur qui me fournit du « contenu éditorial » gratuitement. Et pas n’importe quel contenu. A la question : « comment faites-vous le calcul pour convertir les proportions d’un pain à la levure en pain au levain ? » Jean-Michel m’a fait une réponse tellement longue et détaillée que je n’ai pas réussi à la publier dans mes commentaires. Et puis, elle mérite mieux que les commentaires, elle peut intéresser pas mal d’afficionados du levain (pas trop hermétiques aux mathématiques – enfin pas comme moi quoi…) Donc la voici, avec ses remarques et conseils sur la cuisson en prime – si vous êtes fan de boulange, vous savez comme moi qu’on n’a jamais trop de conseils éclairés. Merci Jean-Michel.
Comment je fais le calcul pour convertir les proportions d’un pain à la levure en pain au levain ?
C'est tout simple. Il faut un peu de logique et ne pas être trop fâché avec l'algèbre.
Je vais tenter de vous expliquer ma démarche, de façon suffisamment claire, sans être, je l'espère, trop rébarbatif.
Tout part d'un constat : le pain, à l'origine, c'est quoi ? C'est de la farine, de l'eau et du levain. Et le levain, c'est aussi de la farine et de l'eau.
L'équation est donc simple : Pâte à pain = Farine + Eau.
Bon, d'accord, il y a bien aussi quelques notions de biologie, de physique ou de chimie. Il y a des bactéries, des bulles de gaz, de la fermentation... Mais, Ouh là là, je laisse à Dame Nature le soin de gérer tous ces mystères. Il me suffira amplement de regarder la pendule et régler le thermostat...
Précision : le TH de mon levain (THL) est de 70%. Mais c'est un pur hasard par rapport à la recette de notre pain tordu. J'ai utilisé très longtemps un levain hydraté à 100%. À mon avis et il n'engage que moi, la farine a le rôle principal dans le levain. Ainsi, à quantités égales, le levain hydraté à 70% est plus riche en farine donc plus actif que celui hydraté à 100%. Autre hasard, la farine qu'il contient est composée à parts égales de farine de blé T65 et de farine de seigle T110.
Déroulement du calcul pour la réalisation du pain tordu du Gers avec un levain.
Posons quelques définitions, soit :
FA la farine et ES l'eau de source mises en œuvre,
LE le levain,
FAL la farine et ESL l'eau du levain.
TH et THL les taux d'hydratation de la pâte et du levain.
Dans mes pratiques usuelles, j'utilise un levain hydraté à 70% et j'en ajoute 40% du poids de farine mise en œuvre.
TH utilisé dans la recette : ES = 500 g FA = 610 + 100 = 710 g TH = 500 / 710 = 0.704
Raisonnement avec le même poids de farine mise en œuvre :
Le poids de farine s'écrit : 710 = FA + FAL
Du taux d'hydratation du levain : THL = ESL / FAL = 0.70, on déduit que : ESL = 0.7 FAL
L'équation de composition du levain : LE = FAL + ESL devient : LE = 1.7 FAL
Il faut ajouter 40% du poids de farine en levain : LE = 0.4 FA. On en déduit 0.4 FA = 1.7 FAL.
Et ainsi donc : FAL = (0.4 / 1.7) FA = 0.2353 FA
Le poids de farine s'écrit alors : 710 = FA + 0.2353 FA = 1.2353 FA
Il faudra mettre en œuvre : FA = 710 / 1.2353 = 575 g de farine.
Et ajouter 40% de levain : LE = 575 * 0.4 = 230 g
dont FAL = 230 / 1.7 = 135 g et ESL = 135 * 0.7 = 95 g
FAL = ½ T65 + ½ T110 soit 68 g T65 et 67 g T110
Ingrédients à mettre en œuvre :
Farine de blé T65 : 610 – 68 = 542 g OU 510 – 68 = 442 g
Farine de seigle T110 : 100 – 67 = 33 g OU 200 – 67 = 133 g
&
Eau de source : 500 – 95 = 405 g
Levain à TH 70%: 230 g
Quant à la teneur en sel, j'applique depuis longtemps une proportion de 1.5 à 1.8% du poids de farine mise en œuvre, soit ici entre 8.6 et 10.3 g. J'ai opté pour 10.
Précision :
Le taux d'hydratation est le rapport entre les quantités d'eau et de farine : TH = ES / FA.
Dans la recette qui nous intéresse, il est indiqué 500 g d'eau pour 710 g de farine, donc TH = 500 / 710 = 0.70.
Ce rapport 0.70 se dit 70% en langage boulanger en ce sens qu'il indique qu'il faut ajouter 70 litres d'eau pour 100 kg de farine. En aucun cas il ne s'agit du pourcentage d'eau dans le "mélange" final qui vaut :
500 / (500 + 710) = 70 / (70 + 100) = 41% environ.
Nota : peu importe les unités du moment qu'elles se correspondent : cl g ; l kg.
Petit aparté pour calculer les proportions d'un levain :
THL = ESL / FAL = 0.7 donc : ESL = 0.7 FAL comme LE= FAL + ESL, il résulte : LE = FAL + 0.7 FAL = 1.7 FAL
De tout çà, on déduit :
FAL = LE / 1.7 et ESL = FAL x 0.7. Ainsi pour créer un levain (ou faire un rafraichi) de 200 g à TH = 70% = 0.7
Il faut : 200 / 1.7 = 117.6 g de farine et 117.6 x 0.7 = 82.3 g d'eau, arrondis à 118 et 82 grammes.
Pour un TH = 60% = 0.6 : 200 / 1.6 = 125 g de farine et 125 x 0.6 = 75 g d'eau
Pour un TH = 100% =1 : 200 / 2 = 100 g de farine et 100 x 1 = 100 g d'eau
Trop facile...
Apprêt :
Lorsque je fais des miches, je les laisse, comme vous, apprêter dans des bannetons que je renverse ensuite sur une plaque à four (genre plaque pour gâteau roulé) non systématiquement préchauffée en même temps que le four (par oubli).
Pour les pains (je devrais plutôt dire bâtards, à cause de la longueur) ou baguettes, je n'ai pas, comme Marie-Claire Frédéric de toile à couche (cf. son billet sur le pain de méteil).
Je les mets en forme et les fais apprêter dans des plaques à pains ou baguettes ("moule" métallique en tôle noire ou galva pour 2 pièces ressemblant à une double gouttière peu haute).
Pour être franc, ces "gouttières" m'affranchissent du risque de voir les pâtons (surtout à fort TH) s'étaler.
Temps :
Après rafraichi, mon levain met entre 4 et 5 heures pour atteindre sa pleine forme.
Généralement, je pétris mon pain vers 22 – 23 heures. Mise dans un saladier en grès recouvert d'un film, la pâte passe la nuit dans le four du fourneau (four que je "préchauffe", par acquis de conscience, 1 grosse minute)
Le lendemain matin, après mise en forme et dépose dans les moules (ou bannetons), retour au four du fourneau, préchauffé un minute, le temps de recommencer à lever (soit pendant ½ à ¾ heure) plus le temps de préchauffage (15 à 20 minutes) du four de cuisson (four dédié, indépendant du fourneau).
Cuisson :
Je n'ai pas de pierre à pain... peut-être un jour...
J'enfourne mon pain à 240°C et je verse un grand verre (à bière, 25 cl) d'eau sur la sole.
Je laisse la chaleur tournante pendant une dizaine de minutes.
La cuisson dure en tout entre 20 et 30 minutes, fonction de la charge ou la taille de la fournée.
Suit le refroidissement sur grille.
Une grande réponse à trois petites questions. J'espère qu'elle satisfera la curiosité qu'elles exprimaient.
Je vous rassure, ce n'est pas tous les jours que je me torture l'esprit avec des élucubrations algébriques. D'ailleurs, pour les éviter, j'ai écrit un utilitaire de calculs que Marie-Claire Frédéric a mis en forme et diffusé sur son blog "Ni cru ni cuit".
On me fait le même genre de propositions! ;-)
RépondreSupprimerSuperbe pains! Par contre, les équations, c'est pas pour moi...
Bises,
Rosa
Rosa, je suis un âne en mathématiques – mais pour une fois j’ai essayé de comprendre, parce que le sujet m’intéressait. Heureusement, Jean-Michel nous a laissé le lien de son tableau de calcul chez Marie-Claire, pour les paresseux.
RépondreSupprimerBoudiou, faire du pain c'est une sciences!
RépondreSupprimerIci, je fais ... Confiance à mon boulanger.
Et bravo à vous tous, les passionnés culinaires.
Biz
:-)))
RépondreSupprimerPour les rétifs aux mathématiques comme moi, ça va pas le faire. Mais bravo à Jean-Michel pour ses explications hyper détaillées !
Je crois me souvenir que Clotilde avait publié un billet sur le sujet...
Et sinon, tu veux que j'écrive ton blog à ta place contre rénumération ?
RépondreSupprimer:-P
Boudiou le fou! Je propose qu'on se cotise pour le payer quand même, lui, là!
RépondreSupprimerbouh je suis fâchée avec les chiffres ;)
RépondreSupprimerMcdsM, ah non, faut pas croire, il y a une bonne dose de feeling aussi. Même avec les meilleurs calculs du monde, ça ne marche pas à tous les coups.
RépondreSupprimerMingou, rétive aussi, n’est-ce pas ? Il faut croire que je ne suis lue que par des littéraires ;) Mais je suis certaine que toi aussi, si tu en avais vraiment besoin, tu saurais les utiliser ces calculs.
Christine, allons, c’est juste un autre langage. Personnellement je trouve ça assez poétique, en plus d’être très utile (pour une fois que les mathématiques me parlent…)
Babzy, non, pas toi aussi. Mais que va dire Madame Najat Vallaud-Belkacem ?
RépondreSupprimerMingou, je n’avais pas vu ton deuxième commentaire. Ça se discute, en privé, envoie moi un mail ;)
Avec 3 neurones, les jours où il fait beau, je n'y arriverai jamais. Il va falloir que je retourne aux écoles, je suis vraiment fâchée avec les maths.
RépondreSupprimerje viens de m acheter un superbe livre sur le pain,....et oui c'est une science, magique, et l entendre "chanter" a la sortie du four, est un ravissement,bisous
RépondreSupprimerBon je ne vais pas être original : je suis fâchée avec les maths ;o)
RépondreSupprimerpar contre il faut quand même remercier Jean-Michel (sont bien les Jean-Michel ;o))
J'ai le même genres de propositions, je rêve !!!
bises Gracianne
La cuisine des trois sœurs, mais non, tu n’as pas trois neurones. C’est juste que tu n’es pas assez intéressée par le sujet pour essayer de comprendre – je pense que nous en sommes tous capables.
RépondreSupprimerLa nonna, c’est tout à fait ça, une science « magique ».
Marielle, toi aussi ? Décidément j’ai bien peur que le niveau de ce blog en mathématiques soit au plus bas ;) Mais tu vois, je suis dans le même cas, bien que je travaille avec les chiffres bien plus souvent qu’il n’y parait, les équations ont tendance à me faire fuir. Et pourtant je sais que ce calcul-là, je peux le comprendre, parce que le sujet m’intéresse et qu’il peut m’être utile. J’aurais souhaité qu’à l’école on nous fasse apprendre les mathématiques de cette façon, en partant de sujets concrets, je pense que j’aurais été bien plus attentive. Et j’ai beaucoup apprécié la démarche de Jean-Michel qui a tenté de nous expliquer le raisonnement suivi au lieu de nous donner accès tout simplement à son tableau Excel déjà publié par Marie-Claire. Merci à lui, encore une fois.
Je viens de décortiquer cette brillante démonstration avec Steve et comprendre en même temps mes nombreux ratés en boulange.
RépondreSupprimerSuper intéressant, et je pense que ça peut aussi s'appliquer à d'autres types de recette (je pense à mes nouilles maison ou à la pâte à raviolis).
RépondreSupprimerMerci Jean-Michel !
Hélène, heureusement que Steve était là non ? Rassure-toi, je suis pareille, je fais régulièrement appel aux lumières du maitre de maison pour les conversions ;)
RépondreSupprimerCamille, il faudra que tu m’expliques pour la pâte à ravioli – elle ne contient pas de levain ?